La rue des noyés


J’ai connu un marin dans la rue des Noyés. Il s’était amarré au pied de mon comptoir, l’ancre fichée au sol, les yeux dans l’horizon. Sa langue s’est déroulée en voyages par milliers, il a délié la mienne et apposé dessus un goût de liberté. Sa peau portait sur elle le sel de toutes les mers, ses mains renfermaient seules des crevasses, des canyons, sa bouche soufflait le vent des très grands océans et j’ai passé mes nuits à compter en dormant le sable de ses cheveux qui nourrissait mes rêves.

J’ai connu ce marin dans la rue des Noyés et j’ai pris son bateau qui passait sur le bar. Ses lèvres portaient encore les traces des épices, collaient encore de miel et de fleur d’oranger et ont rempli mon ventre d’essences exotiques en guise de carburant.

J’ai connu ce marin dans la rue des Noyés. On a quitté la rue pour prendre son voilier. Et en haut de son mât moi je n’ai plus le mal de mer. Je découvre le monde et la vie au grand air. Je n’ai plus peur de rien et je contemple au loin les terrains dévastés, les champs de solitude que j’ai abandonnés pour ceux des longs cordages et des mots qui frivolent avec la crête des vagues.

Mon histoire est sans chute car je voyage encore
de mer en mer
de ville en ville
de port en port.


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